Written by Entre Myandagaro et Nyakanga, les Bahanuza célèbrent Rwamigabo, le lever héliaque de Sirius, marquant le début de l’année ( agricole et cosmique ) des Barundi.
Gitega, 3/08/2025 – Samedi, tout le Burundi célébrait joyeusement la « fête de la commune ». Depuis toujours, les cosmologues barundi appelés « Bahanuza », tout comme le peuple lui-même, observent avec attention la floraison d’Umuvugangoma, cet arbre sacré (Cordia africana) utilisé pour confectionner les fameux – ingoma – tambours du pays. Ils guettent aussi le positionnement céleste de Rwamigabo, autrement nommé Sirius.
En cette période particulière couvrant les mois lunaires de Myandagaro (août) à Nyakanga (septembre), les Barundi célèbrent traditionnellement le début de l’année (« umwaka »). C’est le temps précieux des semences d’Uburo (élusine), moment symbolisant la naissance d’Imana, et par conséquent, celle du monde existant. Chez les Barundi, Uburo est au cœur de ce cycle sacré : on clôt l’année avec cette céréale (« Kurya umwaka »), et on la rouvre en faisant sortir ses précieuses semences des paniers finement tressés, appelés « agaseke ».
La clôture officielle de l’année chez les Barundi se fait au mois lunaire de Rusama (mai), moment où l’on célèbre l’Uburo en consommant ses récoltes. Entre juin (Kiyumpu ou Rwirabura), juillet (Mukakaro), et début août (Myandagaro), règne la grande saison sèche – Ici – . Cette période correspond symboliquement au « monde non existant ou inexistant », représenté par le ventre du Tambour sacré Karyenda, et incarné par la Femme Tambour Mukakaryenda. C’est un temps de gestation cosmique, annonçant la naissance prochaine d’Imana et l’émergence du monde existant, lumineux et vivant.
Selon la cosmologie profonde des Barundi, l’Ubungoma, ces jours-ci marquent la naissance même du temps et de l’espace. L’apparition de l’univers (« Uburemagi ») et du cosmos (« Ibiremwa ») coïncide avec le lever héliaque de Rwamigabo (Sirius). Le monde existant rassemble alors trois sous-mondes sacrés : celui d’Imana, celui des ancêtres représentés par le couple Mukakiranga et Kiranga, et enfin le monde biologique où nous vivons. Dans la pensée barundi, ces trois dimensions forment, avec celle du monde inexistant lié au Tambour Karyenda, une unité indivisible : notre monde commun. Soit 4 font 1.
Pour les Barundi, tout tourne autour de Mukakaryenda, symbole vivant du Tambour sacré Karyenda. Elle seule est détentrice du temps (« ikiri », « umwanya » ou « igihe »). Deux formes de temps coexistent alors : celui dans le ventre sacré (« inda ») du Tambour, domaine invisible et néant, associé à la culture du sorgho (« amasaka »), et celui émergeant du ventre sacré, annonçant le monde visible dès la naissance d’Imana, associé à la culture de l’élusine (« uburo »)
Le calendrier ancestral « Ikihecijuru » fixe ainsi le début de l’année à l’apparition d’Uburemagi. Pour les cosmologues Bahanuza, cette arrivée est clairement marquée par le lever héliaque de Rwamigabo entre Myandagaro et Nyakanga . Dès cet instant, le temps du monde existant commence véritablement.
Il est important de distinguer cette naissance du monde existant, entre Myandagaro (août) et Nyakanga (septembre), de la fête d’Umuganuro, qui débute au mois lunaire de Kigarama (décembre). À cette période, une rencontre particulière s’opère dans le ciel (ijuru) entre Rwamigabo (Sirius) et Nyamihango (Orion). Pour les Bahanuza, c’est le temps de la conception d’Imana (« isama »), moment encore non-existant, invisible, lié au son sacré (« Muryango ») émanant du ventre de Mukakaryenda. Durant l’Umuganuro, les Barundi célèbrent ainsi leur philosophie profonde (Ubungoma, Ubuntu), leurs familles ancestrales (Miryango), et honorent Ingoma y’Uburundi, représentée par Karyenda et incarnée par le Mwami.
Référence :
Nahimana Karolero Pascal, “Histoire du Burundi : Les grandes dates de l’histoire des Barundi et de l’État millénaire africain – Ingoma y’Uburundi”, Bruxelles, Génération Afrique, 2024.
DAM, NY, AGNEWS, http://burundi-agnews.org, Dimanche 3 août 2025 | Photo : ABP